“L’année 2022 a été marquée par de nombreux événements (guerre en Ukraine, crise énergétique, Covid et grippe aviaire, phénomènes météorologiques) qui ont transformé le quotidien et la consommation des Français. L’inflation a mis à mal leur pouvoir d’achat, les obligeant à faire des arbitrages. Tout comme les acteurs de grande distribution qui ont dû s’adapter, faire preuve de créativité et de souplesse pour compenser la hausse des prix et permettre aux consommateurs de remplir leurs caddies”, commente Nicolas Léger, Directeur Analytique chez NielsenIQ.
L’inflation, ce mal profond et durable qui change la vie des consommateurs.
Sans surprise, l’inflation est, malgré elle, le buzzword de cette année 2022. Selon NielsenIQ, la hausse des prix est la préoccupation majeure pour 77% des Français interrogés à l’occasion de la dernière enquête. Viennent ensuite le réchauffement climatique (63%), le conflit en Ukraine (53%) et la crise sanitaire (31%). La France n’avait jamais connu un tel niveau d’inflation depuis 1984. Si la France n’est pas épargnée, avec une évolution du prix moyen des produits de grande consommation de 10,4% entre décembre 2021 et décembre 2022, nos voisins européens ne sont pas moins impactés : l’inflation atteint 13,3% en Allemagne, 13,7% en Italie, et même 18,6% en Pologne. Au-delà, les Etats-Unis connaissent une évolution de 13,9% quand la Turquie (121,6%) et l’Argentine (104%) battent tous les records. En France, selon NielsenIQ l’inflation devrait se poursuivre jusqu’à l’été 2023 avant d’approcher la stabilité.
Conséquence : un surcoût conséquent pour les foyers français qui ont dû dépenser 280€ supplémentaires pour remplir leur caddie de produits de grande consommation (PGC). Ce surcoût pourrait même presque tripler et atteindre 790€ en 2023 vs 2021 selon les hypothèses de NielsenIQ.
En 2022, les Français se sont adaptés pour limiter les effets de l’inflation sur leur pouvoir d’achat en évitant le gaspillage de nourriture (62%), en réduisant leurs dépenses de carburant (55%), en limitant les dépenses d’habillement (51%) ou de loisirs (50%). NielsenIQ évalue à 13 millions le nombre de ménages français “Fragilisés” par l’inflation, en hausse de plus de 25 points vs décembre 2021. A ces derniers, il faut ajouter les trois millions de foyers “Contraints”, qui avaient déjà un pouvoir d’achat limité avant même le retour de l’inflation.
En 2022, ce sont surtout les jeunes adultes et les familles qui ont le plus réduit leurs dépenses alimentaires, les premiers ayant davantage retrouver le chemin de la consommation hors domicile sur le premier semestre. En 2023 selon NielsenIQ, 1 Français sur 4 pense à réduire ses dépenses alimentaires.
Les Français arbitrent et réduisent leurs achats notamment en entretien (-27%), hygiène beauté (-25%), surgelés (-12%) et alcools (-9%, pourcentage qui monte jusqu’à -12,6% pour les foyers modestes) avec une moindre propension au stockage. Même si les volumes résistent, la “descente en gamme”, qui consiste à privilégier des produits moins onéreux pour un même besoin, est également une tendance observée par NielsenIQ en 2022. 62% de la baisse de volumes des marques nationales se fait vers les MDD (marques de distributeurs) qui se développent plus rapidement chez les classes moyennes. La MDD gagne d’ailleurs du terrain partout en Europe.
Coca-Cola est le numéro 1 du Top 10 des fabricants ayant généré le plus de chiffre d’affaires additionnel cette année, avec 194 millions d’euros. Viennent ensuite P&G (159M€), Lactalis (129M€), Savencia (118M€), Orangina Schweppes Suntory (107M€), Nestlé (95M€), etc.
Comparaison des prix et promotions, armes ultimes pour réduire le coût du caddie.
En 2022, pour faire des économies sur leurs produits de tous les jours, les Français déclarent à 49% avoir prêté plus d’attention à la comparaison des prix, à 48% à chercher à acheter des produits en promotion ou bien à acheter des produits à prix réduit en raison de leur date de péremption proche (43%). 39% des personnes interrogées disent avoir consommé moins de viande ou poisson en 2022. 34% ont même changé leurs habitudes en s’obligeant à faire une liste de courses quand 34% déclarent avoir réduit leurs achats plaisir (vin, chocolat).
Les acteurs de la grande consommation, enseignes et marques, ont compensé l’inflation des produits en mettant en place de nombreuses promotions. Le poids des promotions dans le chiffre d’affaires a ainsi atteint des records en 2022 avec un taux relevé à 21,7%.
La consommation des Français a également été impactée par de fortes perturbations en linéaires. Le taux de ruptures en valeur a atteint 5,3% en décembre 2022 (vs décembre 2021), 25% de ces ruptures de la disponibilité de produits en linéaires étant liées à des causes amont généralisées.
Grande distribution : comment les acteurs se sont-ils démarqués en 2022 ?
Selon le bilan NielsenIQ, la fragmentation des achats se poursuit, avec des paniers plus petits et une fréquence d’achat en hausse pour un meilleur contrôle des dépenses.
En 2022, les hypermarchés retrouvent enfin de la croissance (+4,6% en 2022 avec 38% de part de marché), mais comme le souligne Daniel Ducrocq, les hypermarchés qui ont réussi à se démarquer en 2022 sont ceux qui ont offert la meilleure expérience client. Il souligne également que le circuit de “proximité” reste le plus dynamique (+12,3% de croissance du chiffre d’affaires avec 9% de parts de marché), aux côtés des enseignes comme Lidl et Aldi. Ces derniers gardent probablement une réelle marge de progression quand on compare la situation française avec nos pays voisins : Aldi et Lidl y captent parfois 20% du marché, comme au Royaume-Uni ou en Belgique.
L’apparent ralentissement du e-commerce, de la livraison à domicile et du drive en particulier, masque en réalité une forte progression par rapport à l’avant pandémie. Par exemple le drive reste effet particulièrement dynamique sur le long terme, sa croissance entre 2019 et 2022 s’affichant à + 39%.
Quelle est l’évolution des habitudes de consommation et d’alimentation ?
2022 aura été une année différente des autres du fait de l’inflation record. De cette crise inflationniste ressort plusieurs constats, nouveaux comportements et habitudes de consommation qui marqueront 2023.
Loin de toute surconsommation, la quête de plaisir reste un incontournable en temps de crise, car malgré les difficultés économiques, les Français restent peu enclins à réduire leur consommation plaisir. Le récent succès de la gamme GO Bubble Tea, meilleur lancement de l’année, en est un parfait exemple. Les marques innovent d’ailleurs dans ce sens mais du fait de la crise actuelle, le poids de l’innovation dans le chiffre d’affaires des PGC poursuit sa lente érosion, à 2,1% en 2022 contre 2,2% en 2021 et 2020, en cause un nombre inférieur de lancement cette année.
Près d’1 Français sur 4 ne cuisine pas, une tendance qui s’accélère depuis 2021. 21,6% des Français sont des “vite-fait” et ne cuisinent jamais. Les habitudes d’alimentation évoluent : selon le bilan NielsenIQ, le grignotage entre les repas ne cesse de progresser. Comme un besoin de compenser la déstructuration avérée des repas, notamment chez les jeunes, le grignotage en matinée et en soirée augmentent respectivement de +3 pts. Toucher ces jeunes générations qui seront la consommation de demain est donc un réel enjeu pour les industriels et les distributeurs, que ce soit dans la manière de communiquer ou dans la proposition de produits.
En termes d’alimentation, les féculents restent une valeur sûre pour les Français, devant les légumes et la viande. 35% déclarent réduire leur consommation de viande. 79% des consommateurs déclarent accorder de l’importance à la nutrition. 50% font attention au Nutri-score des produits qu’ils achètent.
Autre constat du bilan NielsenIQ, les ventes de bio en grande distribution ont diminué en 2022. L’accessibilité prix, la réduction des assortiments expliquent ce recul. Cependant, la consommation alternative a progressé en 2022 (+6,1% d’évolution des ventes en unités) notamment celle des produits sans pesticides, naturels, sans conservateurs ou sans alcool.
Consommer responsable fait petit à petit son nid dans l’esprit des consommateurs. 60% des Français déclarent que consommer responsable est quelque chose d’important pour la société et qu’ils essaient de faire des choix durables quand ils le peuvent. 24% déclarent même que c’est une priorité pour eux et qu’ils le font au quotidien. L’achat local et les emballages sont deux enjeux qui joueront un rôle majeur dans les prochaines années selon NielsenIQ.
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