La poésie est un état naturel

Le moindre jet de lumière en accord avec un mur et le regard des ombres nous le prouve. Un frémissement ordonné par le vent dans un buisson, une branche ou un arbre nous le prouve…

L’objectivité du regard appartient aux poètes, la subjectivité aux ligatures de l’esprit. Pas de jugement évidemment car les déclics peuvent survenir. Le voyage nous fait connaître d’autres schémas de l’esthétique. La poésie semble passer par le regard, d’autres géométries de pays différents nous montrent les différences et alimentent notre propension à les exprimer par des mots ou par des phrases.

1998 Kolkata Jodhpur Park
Les canons de l’esthétique continuaient à déambuler devant ce mur qui avait, semble t’il, été installé comme un écran de cinéma. Une mise en scène informelle se jouait là. Parfois sans acteurs, mais toujours en

«action ! ». La caméra tournait. La sublime lumière imprimait le film de ses visions. Quand la nuit venait, je gardais en mémoire les rushs de chaque journées cumulées depuis mon arrivée dans le parc de Jodhpur. Après d’innombrables re visionnages, je percevais peu à peu, au montage, la géométrie intérieure de la beauté et du silence des femmes qui passaient. Elles jouaient naturellement les scènes de leur vérité. Elles offraient, à qui savait voir, les secrets de leur féminité. Des esquisses certes, mais qui en disaient long sur toutes les extensions de leur finesse. Individuelles, collectives et universelles. A ces visions, elles ne se présentaient plus comme les réceptacles du voyeurisme mais comme des univers intérieurs s’offrant une petite sortie dans la jungle des «mâles voyants. »

La fenêtre ne s’ouvrait pas complètement. Elle pivotait sur un axe central entravé par des restes de peinture. L’espace de vision était restreint. De la rue, j’étais pour ainsi dire invisible. Je passais des heures à scruter la moindre parcelle de vie. Les plus évidentes étaient celles qui avaient secrètement gardé leur force intérieure sous couvert de leur beauté…. Une façade pour se préserver de la furie extérieure.

Je voyais passer ces vaisseaux ballottés sur des flots latéraux. Leurs saris se gonflaient brusquement et il fallait border sec pour maintenir le cap. Les parapluies servaient de spinnaker. Cette étendue métaphysique, de petites eaux, éclaboussaient délicatement la peau imperméable de ces nefs.

Elles naviguaient sur l’océan de mon voyeurisme. Des sirènes avaient achevé leurs cycles d’incarnation. Elles avaient investi le corps de ces femmes comme sas d’entraînement provisoire avant leurs nouvelles fonctions. Je le savais ! Des escadres de beauté, envoyées pour que la poésie continua d’exister. Elle était là ! A chaque parcelle de concrète abstraction. Elle se dessinait. Plus besoin d’ouvrir les yeux ou chercher d’intellectuelles géométries. L’essence de la beauté traversait tout ce qui s’offrait à ma vue. La saison sèche annihilait les brumes d’humidité pour dévoiler l’envers du décor ? Non, j’étais sur le devant de la scène et « les mâles voyants » jouaient en coulisse.

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